[返回学习园地首页]·[所有跟帖]·[ 回复本帖 ] ·[热门原创] ·[繁體閱讀]·[版主管理]
中法对照:A LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU 追忆似水年华(49)
送交者: wangguotong[★★★声望勋衔13★★★] 于 2024-05-12 1:21 已读 4222 次 1 赞  

wangguotong的个人频道

中法对照:A LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU 追忆似水年华49

作者:Marcel Proust 马塞尔-普鲁斯特

Deuxième Partie第二部

UN AMOUR DE SWANN(1)

 斯万之恋(1)

编辑整理:WANGGUOTONG

   

 

— Ce n’est rien, lui dit-il, n’ayez pas peur.

“没有什么,”他对她说,“别害怕。”

Et il la tenait par l’épaule, l’appuyant contre lui pour la maintenir ; puis il lui dit :

他扶住她的肩膀,把她的身子紧紧靠在自己胸前,又说:

 

— Surtout, ne me parlez pas, ne me répondez que par signes pour ne pas vous essouffler encore davantage. Cela ne vous gêne pas que je remette droites les fleurs de votre corsage qui ont été déplacées par le choc ? J’ai peur que vous ne les perdiez, je voudrais les enfoncer un peu.

“千万别说话,只消用手势回答我的问题就行了,免得您喘得更厉害。您上衣口上的花给震歪了,我来给您扶一扶正,您该不介意吧?我怕您的花会掉出来,我想把它插牢一点儿。”

 

Elle, qui n’avait pas été habituée à voir les hommes faire tant de façons avec elle, dit en souriant :

她从来没有见到男人对她这么彬彬有礼过,微笑着答道:

 

— Non, pas du tout, ça ne me gêne pas.

“不,哪儿会啊,我怎么能介意呢?”

 

Mais lui, intimidé par sa réponse, peut-être aussi pour avoir l’air d’avoir été sincère quand il avait pris ce prétexte, ou même, commençant déjà à croire qu’il l’avait été, s’écria :

他却为她的回答而显得很难为情,这也许是由于他自己刚才提出了一个借口却又装得十分诚恳,甚至已经开始相信自己确是诚恳而难为情吧。他叫道:

 

— Oh ! non, surtout, ne parlez pas, vous allez encore vous essouffler, vous pouvez bien me répondre par gestes, je vous comprendrai bien. Sincèrement je ne vous gêne pas ? Voyez, il y a un peu… je pense que c’est du pollen qui s’est répandu sur vous ; vous permettez que je l’essuie avec ma main ? Je ne vais pas trop fort, je ne suis pas trop brutal ? Je vous chatouille peut-être un peu ? mais c’est que je ne voudrais pas toucher le velours de la robe pour ne pas le friper. Mais, voyez-vous, il était vraiment nécessaire de les fixer, ils seraient tombés ; et comme cela, en les enfonçant un peu moi-même… Sérieusement, je ne vous suis pas désagréable ? Et en les respirant pour voir s’ils n’ont vraiment pas d’odeur non plus ? Je n’en ai jamais senti, je peux ? dites la vérité ?

“啊!不,不,千万别说话,您会喘得更厉害的,您只消做个手势就行了,我会明白您的意思的。您果然不介意?您看,您身上有一丁点儿……我想是一丁点儿花粉;您同意我用手把它掸掉吗?我不会使很大劲的,我把您弄痛了吗?也许我把您弄痒痒了?我并不想碰袍子的丝绒,免得把它弄皱了。不过您看,这些花实在应该固定一下,要不然就要掉出来了;我这就把它们插进去一点……您说实话,我还不至于招您讨厌吧!我想闻一闻,看看花的香气是不是全都跑了。什么味儿也闻不见。跟我说实话吧。”

 

Souriant, elle haussa légèrement les épaules, comme pour dire « vous êtes fou, vous voyez bien que ça me plaît ».

她微笑着耸耸肩膀,仿佛是说:“您真傻,您明明知道我很高兴。”

 

Il élevait son autre main le long de la joue d’Odette ; elle le regarda fixement, de l’air languissant et grave qu’ont les femmes du maître florentin avec lesquelles il lui avait trouvé de la ressemblance ; amenés au bord des paupières, ses yeux brillants, larges et minces, comme les leurs, semblaient prêts à se détacher ainsi que deux larmes. Elle fléchissait le cou comme on leur voit faire à toutes, dans les scènes païennes comme dans les tableaux religieux. Et, en une attitude qui sans doute lui était habituelle, qu’elle savait convenable à ces moments-là et qu’elle faisait attention à ne pas oublier de prendre, elle semblait avoir besoin de toute sa force pour retenir son visage, comme si une force invisible l’eût attiré vers Swann. Et ce fut Swann, qui, avant qu’elle le laissât tomber, comme malgré elle, sur ses lèvres, le retint un instant, à quelque distance, entre ses deux mains. Il avait voulu laisser à sa pensée le temps d’accourir, de reconnaître le rêve qu’elle avait si longtemps caressé et d’assister à sa réalisation, comme une parente qu’on appelle pour prendre sa part du succès d’un enfant qu’elle a beaucoup aimé. Peut-être aussi Swann attachait-il sur ce visage d’Odette non encore possédée, ni même encore embrassée par lui, qu’il voyait pour la dernière fois, ce regard avec lequel, un jour de départ, on voudrait emporter un paysage qu’on va quitter pour toujours.

他用另一只手沿着奥黛特的面颊轻轻地抚摸;她睁眼注视着他,带着佛罗伦萨那位大师所画的女人(他觉得她跟她们是相象的)那种含情脉脉而庄重的神情;她那两只跟画上的女人们相象的明亮秀气的大眼睛仿佛要跟两颗泪珠那样夺眶而出。她粉颈低垂,就跟异教画和基督教画中所有的女子一样。她这时的姿态当然是她惯常的姿态,但她也深深知道这个姿态是适合于当时的场合的,而她也注意着别忘了摆出这样一副姿态;她似乎需要竭尽全力来保持面部的位置,仿佛有一股看不见的力量把它吸引到斯万那边去。当她不由自主地把她的脸迎向斯万的双唇时,斯万用双手把它捧住,保持一段距离。他要让奥黛特有时间来回味一下她久已追求的梦想,来亲眼看到它的实现,就好象人们邀请受奖的孩子的母亲亲眼看看她钟爱的孩子的成就似的。也许斯万自己还有意要好好最后一次凝视一下他迄今还没有占有,甚至还没有吻过的奥黛特的脸,就好象是一个人在离别一个地方时要好好看一下他就要永远离开的那个景色一样。

 

Mais il était si timide avec elle, qu’ayant fini par la posséder ce soir-là, en commençant par arranger ses catleyas, soit crainte de la froisser, soit peur de paraître rétrospectivement avoir menti, soit manque d’audace pour formuler une exigence plus grande que celle-là (qu’il pouvait renouveler puisqu’elle n’avait pas fâché Odette la première fois), les jours suivants il usa du même prétexte. Si elle avait des catleyas à son corsage, il disait : « C’est malheureux, ce soir, les catleyas n’ont pas besoin d’être arrangés, ils n’ont pas été déplacés comme l’autre soir ; il me semble pourtant que celui-ci n’est pas très droit. Je peux voir s’ils ne sentent pas plus que les autres ? » Ou bien, si elle n’en avait pas : « Oh ! pas de catleyas ce soir, pas moyen de me livrer à mes petits arrangements. » De sorte que, pendant quelque temps, ne fut pas changé l’ordre qu’il avait suivi le premier soir, en débutant par des attouchements de doigts et de lèvres sur la gorge d’Odette, et que ce fut par eux encore que commençaient chaque fois ses caresses ; et, bien plus tard quand l’arrangement (ou le simulacre d’arrangement) des catleyas, fut depuis longtemps tombé en désuétude, la métaphore « faire catleya » devenue un simple vocable qu’ils employaient sans y penser quand ils voulaient signifier l’acte de la possession physique — où d’ailleurs l’on ne possède rien — survécut dans leur langage, où elle le commémorait, à cet usage oublié. Et peut-être cette manière particulière de dire « faire l’amour » ne signifiait-elle pas exactement la même chose que ses synonymes. On a beau être blasé sur les femmes, considérer la possession des plus différentes comme toujours la même et connue d’avance, elle devient au contraire un plaisir nouveau s’il s’agit de femmes assez difficiles — ou crues telles par nous — pour que nous soyons obligés de la faire naître de quelque épisode imprévu de nos relations avec elles, comme avait été la première fois pour Swann l’arrangement des catleyas. Il espérait en tremblant, ce soir-là (mais Odette, se disait-il, si elle était dupe de sa ruse, ne pouvait le deviner), que c’était la possession de cette femme qui allait sortir d’entre leurs larges pétales mauves ; et le plaisir qu’il éprouvait déjà et qu’Odette ne tolérait peut-être, pensait-il, que parce qu’elle ne l’avait pas reconnu, lui semblait, à cause de cela — comme il put paraître au premier homme qui le goûta parmi les fleurs du paradis terrestre — un plaisir qui n’avait pas existé jusque-là, qu’il cherchait à créer, un plaisir — ainsi que le nom spécial qu’il lui donna en garda la trace — entièrement particulier et nouveau.

不过他在她跟前依然还是如此腼腆,以至在那晚以为她摆弄卡特来兰花开始,以占有她的身体告终之后,往后那几天,他还是使用同一个借口,这也许是因为他怕冒犯她,也许是因为怕露出撒谎的马脚,也许是因为缺乏提出比这更高的要求的勇气(其实他是可以再次提出的,因为奥黛特第一次并没有感到不快)。如果她上衣胸口戴着卡特来兰花,他就说:“今晚真不幸,您的卡特来兰花用不着重新摆弄,不象那晚那样乱,然而这一朵仿佛不太正。我倒想闻闻它们是不是特别的香。”要是她没有戴花呢;他就说:“哦!今晚没有卡特来兰花,没法子摆弄了。”就这样,在一段时间内,头一晚那个程序就一直没有变动,总是以用手指和嘴唇轻轻抚弄奥黛特的胸口开始,每次的接吻和拥抱也总是以这样的抚弄为先导;很久以后,当摆弄卡特来兰花(或者类似的礼节)早已过了时,“摆弄卡特来兰”这个暗喻却成了他们习惯性地用来代表肉体的占有这种行为(其实也无所谓占有不占有了)的普通词语,长期留在他们的言语之中,来纪念那个早已被遗忘了的习俗。也许用这种特殊的说法来表达“性关系”,其意义跟它的各种同义词不完全一样。我们尽可以对女人已经感到厌倦,尽可以把跟各种不同类型的女人的交欢看成是并没有什么两样,早就知道是怎么一回事,但是如果那女人不是那么容易到手——或者我们认为不是那么容易到手——以至我们必须在与她的交往中制造一个突如其来的插曲,就象斯万第一次通过摆弄卡特来兰那样,那么这种交欢就会变成一种新鲜的乐趣。斯万那晚急切地盼望着的(他心想如果奥黛特中了他的计,那她是猜不出来的),正是从卡特来兰的宽大的浅紫色花瓣中能结出占有这个女人之果;他那晚感到,而奥黛特也许只是因为没有充分意识到才予以默认的那种乐趣,在他的心目中因此就是一种迄今没有存在过,而是他试图创造出来的乐趣,是一种完全与众不同,完全新鲜的乐趣(正如上帝创造出来的第一个人见到地上的天堂中的花儿时所感到的一样)——他给它起的那个特殊的名称也保留了这点痕迹。

 

Maintenant, tous les soirs, quand il l’avait ramenée chez elle, il fallait qu’il entrât, et souvent elle ressortait en robe de chambre et le conduisait jusqu’à sa voiture, l’embrassait aux yeux du cocher, disant : « Qu’est-ce que cela peut me faire, que me font les autres ? » Les soirs où il n’allait pas chez les Verdurin (ce qui arrivait parfois depuis qu’il pouvait la voir autrement), les soirs de plus en plus rares où il allait dans le monde, elle lui demandait de venir chez elle avant de rentrer, quelque heure qu’il fût. C’était le printemps, un printemps pur et glacé. En sortant de soirée, il montait dans sa victoria, étendait une couverture sur ses jambes, répondait aux amis qui s’en allaient en même temps que lui et lui demandaient de revenir avec eux qu’il ne pouvait pas, qu’il n’allait pas du même côté, et le cocher partait au grand trot sachant où on allait. Eux s’étonnaient, et de fait, Swann n’était plus le même. On ne recevait plus jamais de lettre de lui où il demandât à connaître une femme. Il ne faisait plus attention à aucune, s’abstenait d’aller dans les endroits où on en rencontre. Dans un restaurant, à la campagne, il avait l’attitude inverse de celle à quoi, hier encore, on l’eût reconnu et qui avait semblé devoir toujours être la sienne. Tant une passion est en nous comme un caractère momentané et différent qui se substitue à l’autre et abolit les signes jusque-là invariables par lesquels il s’exprimait ! En revanche ce qui était invariable maintenant, c’était que où que Swann se trouvât, il ne manquât pas d’aller rejoindre Odette. Le trajet qui le séparait d’elle était celui qu’il parcourait inévitablement et comme la pente même, irrésistible et rapide, de sa vie. À vrai dire, souvent resté tard dans le monde, il aurait mieux aimé rentrer directement chez lui sans faire cette longue course et ne la voir que le lendemain ; mais le fait même de se déranger à une heure anormale pour aller chez elle, de deviner que les amis qui le quittaient se disaient : « Il est très tenu, il y a certainement une femme qui le force à aller chez elle à n’importe quelle heure », lui faisait sentir qu’il menait la vie des hommes qui ont une affaire amoureuse dans leur existence, et en qui le sacrifice qu’ils font de leur repos et de leurs intérêts à une rêverie voluptueuse fait naître un charme intérieur. Puis sans qu’il s’en rendît compte, cette certitude qu’elle l’attendait, qu’elle n’était pas ailleurs avec d’autres, qu’il ne reviendrait pas sans l’avoir vue, neutralisait cette angoisse oubliée, mais toujours prête à renaître, qu’il avait éprouvée le soir où Odette n’était plus chez les Verdurin, et dont l’apaisement actuel était si doux que cela pouvait s’appeler du bonheur. Peut-être était-ce à cette angoisse qu’il était redevable de l’importance qu’Odette avait prise pour lui. Les êtres nous sont d’habitude si indifférents, que quand nous avons mis dans l’un d’eux de telles possibilités de souffrance et de joie, pour nous il nous semble appartenir à un autre univers, il s’entoure de poésie, il fait de notre vie comme une étendue émouvante où il sera plus ou moins rapproché de nous. Swann ne pouvait se demander sans trouble ce qu’Odette deviendrait pour lui dans les années qui allaient venir. Parfois, en voyant, de sa victoria, dans ces belles nuits froides, la lune brillante qui répandait sa clarté entre ses yeux et les rues désertes, il pensait à cette autre figure claire et légèrement rosée comme celle de la lune, qui, un jour, avait surgi dans sa pensée, et depuis projetait sur le monde la lumière mystérieuse dans laquelle il le voyait. S’il arrivait après l’heure où Odette envoyait ses domestiques se coucher, avant de sonner à la porte du petit jardin, il allait d’abord dans la rue, où donnait au rez-de-chaussée, entre les fenêtres toutes pareilles, mais obscures, des hôtels contigus, la fenêtre, seule éclairée, de sa chambre. Il frappait au carreau, et elle, avertie, répondait et allait l’attendre de l’autre côté, à la porte d’entrée. Il trouvait ouverts sur son piano quelques-uns des morceaux qu’elle préférait : la Valse des Roses ou Pauvre Fou de Tagliafico (qu’on devait, selon sa volonté écrite, faire exécuter à son enterrement), il lui demandait de jouer à la place la petite phrase de la sonate de Vinteuil, bien qu’Odette jouât fort mal, mais la vision la plus belle qui nous reste d’une œuvre est souvent celle qui s’éleva, au-dessus des sons faux tirés par des doigts malhabiles, d’un piano désaccordé. La petite phrase continuait à s’associer pour Swann à l’amour qu’il avait pour Odette. Il sentait bien que cet amour, c’était quelque chose qui ne correspondait à rien d’extérieur, de constatable par d’autres que lui ; il se rendait compte que les qualités d’Odette ne justifiaient pas qu’il attachât tant de prix aux moments passés auprès d’elle. Et souvent, quand c’était l’intelligence positive qui régnait seule en Swann, il voulait cesser de sacrifier tant d’intérêts intellectuels et sociaux à ce plaisir imaginaire. Mais la petite phrase, dès qu’il l’entendait, savait rendre libre en lui l’espace qui pour elle était nécessaire, les proportions de l’âme de Swann s’en trouvaient changées ; une marge y était réservée à une jouissance qui elle non plus ne correspondait à aucun objet extérieur et qui pourtant, au lieu d’être purement individuelle comme celle de l’amour, s’imposait à Swann comme une réalité supérieure aux choses concrètes. Cette soif d’un charme inconnu, la petite phrase l’éveillait en lui, mais ne lui apportait rien de précis pour l’assouvir. De sorte que ces parties de l’âme de Swann où la petite phrase avait effacé le souci des intérêts matériels, les considérations humaines et valables pour tous, elle les avait laissées vacantes et en blanc, et il était libre d’y inscrire le nom d’Odette. Puis à ce que l’affection d’Odette pouvait avoir d’un peu court et décevant, la petite phrase venait ajouter, amalgamer son essence mystérieuse. À voir le visage de Swann pendant qu’il écoutait la phrase, on aurait dit qu’il était en train d’absorber un anesthésique qui donnait plus d’amplitude à sa respiration. Et le plaisir que lui donnait la musique et qui allait bientôt créer chez lui un véritable besoin, ressemblait en effet, à ces moments-là, au plaisir qu’il aurait eu à expérimenter des parfums, à entrer en contact avec un monde pour lequel nous ne sommes pas faits, qui nous semble sans forme parce que nos yeux ne le perçoivent pas, sans signification parce qu’il échappe à notre intelligence, que nous n’atteignons que par un seul sens. Grand repos, mystérieuse rénovation pour Swann — pour lui dont les yeux, quoique délicats amateurs de peinture, dont l’esprit, quoique fin observateur de mœurs portaient à jamais la trace indélébile de la sécheresse de sa vie — de se sentir transformé en une créature étrangère à l’humanité, aveugle, dépourvue de facultés logiques, presque une fantastique licorne, une créature chimérique ne percevant le monde que par l’ouïe. Et comme dans la petite phrase il cherchait cependant un sens où son intelligence ne pouvait descendre, quelle étrange ivresse il avait à dépouiller son âme la plus intérieure de tous les secours du raisonnement et à la faire passer seule dans le couloir, dans le filtre obscur du son. Il commençait à se rendre compte de tout ce qu’il y avait de douloureux, peut-être même de secrètement inapaisé au fond de la douceur de cette phrase, mais il ne pouvait pas en souffrir. Qu’importait qu’elle lui dît que l’amour est fragile, le sien était si fort ! Il jouait avec la tristesse qu’elle répandait, il la sentait passer sur lui, mais comme une caresse qui rendait plus profond et plus doux le sentiment qu’il avait de son bonheur. Il la faisait rejouer dix fois, vingt fois à Odette, exigeant qu’en même temps elle ne cessât pas de l’embrasser. Chaque baiser appelle un autre baiser. Ah ! dans ces premiers temps où l’on aime, les baisers naissent si naturellement ! Ils foisonnent si pressés les uns contre les autres ; et l’on aurait autant de peine à compter les baisers qu’on s’est donnés pendant une heure que les fleurs d’un champ au mois de mai. Alors elle faisait mine de s’arrêter, disant : « Comment veux-tu que je joue comme cela si tu me tiens ? je ne peux tout faire à la fois ; sache au moins ce que tu veux ; est-ce que je dois jouer la phrase ou faire des petites caresses ? » ; lui se fâchait et elle éclatait d’un rire qui se changeait et retombait sur lui, en une pluie de baisers. Ou bien elle le regardait d’un air maussade, il revoyait un visage digne de figurer dans la Vie de Moïse de Botticelli, il l’y situait ; il donnait au cou d’Odette l’inclinaison nécessaire ; et quand il l’avait bien peinte à la détrempe, au xve siècle, sur la muraille de la Sixtine, l’idée qu’elle était cependant restée là, près du piano, dans le moment actuel, prête à être embrassée et possédée, l’idée de sa matérialité et de sa vie venait l’enivrer avec une telle force que, l’œil égaré, les mâchoires tendues comme pour dévorer, il se précipitait sur cette vierge de Botticelli et se mettait à lui pincer les joues. Puis, une fois qu’il l’avait quittée, non sans être rentré pour l’embrasser encore parce qu’il avait oublié d’emporter dans son souvenir quelque particularité de son odeur ou de ses traits, il revenait dans sa victoria, bénissant Odette de lui permettre ces visites quotidiennes, dont il sentait qu’elles ne devaient pas lui causer à elle une bien grande joie, mais qui en le préservant de devenir jaloux — en lui ôtant l’occasion de souffrir de nouveau du mal qui s’était déclaré en lui le soir où il ne l’avait pas trouvée chez les Verdurin — l’aideraient à arriver, sans avoir plus d’autres de ces crises dont la première avait été si douloureuse et resterait la seule, au bout de ces heures singulières de sa vie, heures presque enchantées, à la façon de celles où il traversait Paris au clair de lune. Et, remarquant, pendant ce retour, que l’astre était maintenant déplacé par rapport à lui, et presque au bout de l’horizon, sentant que son amour obéissait, lui aussi, à des lois immuables et naturelles, il se demandait si cette période où il était entré durerait encore longtemps, si bientôt sa pensée ne verrait plus le cher visage qu’occupant une position lointaine et diminuée, et près de cesser de répandre du charme. Car Swann en trouvait aux choses, depuis qu’il était amoureux, comme au temps où, adolescent, il se croyait artiste ; mais ce n’était plus le même charme, celui-ci, c’est Odette seule qui le leur conférait. Il sentait renaître en lui les inspirations de sa jeunesse qu’une vie frivole avait dissipées, mais elles portaient toutes le reflet, la marque d’un être particulier ; et, dans les longues heures qu’il prenait maintenant un plaisir délicat à passer chez lui, seul avec son âme en convalescence, il redevenait peu à peu lui-même, mais à une autre.

现在,每天晚上,当他把她带回她家时,他就总得进去;她时常穿着晨衣把他送出来,一直送到他的马车边,当着车夫的面和他吻别,说:“给人瞧见了,又有什么关系?”他不上维尔迪兰家去的那些夜晚(自从他可以在别的地方和她相会,这种情况就不时发生了),他到上流社会的社交圈子里去的那些夜晚(这也越来越难得了),她就请他不管时间早晚,在回家前一定先上她家去。这是春天,一个晴朗而寒冷的春天。在从晚会上出来的时候,他登上他的四轮敞篷马车,把毛毯盖到腿上,对跟他同时回家,请他跟他们一道走的朋友们说他不能从命,说他去的是另一个方向,而车夫就扬鞭策马快步,反正他知道该上什么地方。朋友们都感到惊讶,斯万敢情变了。再也收不到他要求介绍女人的信了。他不再注意别的女人,避免到能碰见女人的地方。在餐馆里,在乡下,他的举止也全然变了;朋友们原来可以据以把他辨认出来,也以为今后将永远不变的那种举止也不知哪里去了。一种一时的异常的性格不仅能取代正常的性格,也能消除正常的性格直至此时所由表现的恒常的外部特征,激情在我们心中造成的变化也是如此!与此相反,现在却有一件事情是不变的,那就是不管斯万晚上到哪里,他必然要去跟奥黛特相会。把他和她相隔开的这段路程就是他每天必不可少地要走一次的路程,仿佛这是他生命历程中无法避免的一个下滑的徒坡。说实在的,当他在哪个晚会上呆的时候过久时,他时常也想直接回到家里,不再跑这一趟远程,到第二天再去看她;单凭在这么晚的时候不辞辛劳地上她家去,并且猜想跟他道别的朋友们准会窃窃私议:“他是身不由己,准有个娘们强迫他不管时间早晚都得上她家去。”这一点,就使他感到他自己是在过着堕入情网的人们的生活,不惜为感官享受的追求而牺牲休息和利益,准是着了魔了。然而他尽管未加思索,却确信这时她准在等着他,决不跟其他人在别的什么地方,而他准能在回家以前见到她的面,这个信念消除了那晚奥黛特不在维尔迪兰家时他那种焦躁不安的情绪,这种情绪固然早已淡漠,然而随时还会重现,而他现在心中是如此宁静,简直可以说是一种幸福。奥黛特之所以在他心中占有如此重要的地位,也许正应该归功于那晚的焦躁不安。通常,别人跟我们是如此无关,以至当其中有一个人能主宰我们的哀乐时,我们就会觉得他仿佛是属于另一个世界,满身都是诗情画意,能把我们的生活化为一片我们与之同在的感情的海洋。有时,当他在晴朗的寒夜,从他的马车上眺望皎洁的月亮照射下的空无一人的街巷时,他就想到那张跟月色同样明亮而略带玫瑰色的脸,它有一天曾突然从他的脑际浮现出来,从此就将神秘之光投向这个世界。如果他在奥黛特打发她的仆人去睡觉以后到达,他就在按小花园的门铃之前,先到后街去,那里相邻的住宅的窗户全都一模一样,也全都一片漆黑,唯有她卧室那一扇还亮着。他在窗框上敲敲,她就答应一声,然后到大门背后等着。她的钢琴上摆着她喜爱的乐谱,《玫瑰圆舞曲》啦,或是塔里亚菲科的《可怜的疯子》(她在遗嘱上写明,在葬礼上要奏这个曲子),他却要她弹凡德伊那个乐句,虽然奥黛特弹得很不怎么样,但我们对一部作品的最美好的印象时常是得之于笨拙的指头在走调的钢琴上弹出的不符要求的音响的。他深深地感觉到,他那份爱情是在别处无法找到与之相应之物的东西,是除了他自己以外再也没有人能验证的东西;他也明白,奥黛特的素质也不足以解释他为什么对在她身边度过的时光是如此重视。时常,当他十分冷静地用理性来考虑的时候,他也想不再为了这假想的乐趣而在学问方面和社交方面作出这么重大的牺牲了。但当他一听到凡德伊的那个乐句,它就会在他心中腾出足以容纳它的空间,他的心胸就会因而扩大,为某一种形式的享受留出位置——这种享受也是在它自身之外无法找到与之相应之物的,然而不象爱情的享受那样是纯粹个人的事情,却象一个高出于具体事物的客观现实那样摆在斯万面前。凡德伊那个乐句在他身上唤起了这种对未曾体会过的魅力的渴求,却没有给他带来什么明确的东西使他得以满足。因此,那个乐句在斯万心中消除了对物质利益的关怀,消除了人皆有之的那些考虑所留下的空白,却并没有找到东西来填补,斯万便尽可以在那里镌刻上奥黛特的名字。此外,奥黛特的感情中有所欠缺、有所令人失望的地方,那个乐句也会来加以弥补,注入它那神秘的精髓。当他谛听这个乐句时,从他的脸上仿佛可以看出他正在吸着一种麻醉剂,使他的呼吸更加深沉。音乐给予他的那种转瞬即将化为一种真正的热望的乐趣,在这样的时刻,确实象是我们在做香料的实验时的那种乐趣,象是当我们接触一个不是为我们所造的世界时的那种乐趣——这个世界,在我们看来没有形式,因为我们看不见它;没有意义,因为它为我们的理智所不能掌握;我们只能通过一种感官才能到达那里。斯万的眼虽是敏锐的绘画鉴赏家的眼,他的脑子虽是人情世故的精细的观察家的脑子,它们却从此要带上无法消除的无聊乏味的生活的痕迹;当他感到自己变成了一个与人类无关的人,盲目的人,失去了逻辑能力的人,几乎变成了一个荒诞的传说中的独角兽,变成了仅仅通过听觉来感知世界的怪物时,这对他来说倒是可贵而神秘的休息。既然他要在这乐句中搜寻他的智力所不能及的意义,他就需要以何等的沉醉来不让他的心灵得到理性的任何帮助,来使他的心灵单独通过这乐音之廊,通过这乐音的阴暗的过滤器啊!他已经开始意识到,在这乐句甘美的乐音底下隐藏着怎样的苦楚,也许还是难以消除的隐痛,然而他并不以为苦。让这乐句说什么爱情是脆弱的吧,他的爱情却是如此牢固!他玩弄这乐句散发出的忧郁之情,感觉到它正在流经他的身体,然而总觉得它却象是使他的幸福感更深刻更甜蜜的一种爱抚。他让奥黛特十次、二十次地重复这个乐句,要求她在弹奏的同时不停地吻他。每一个吻都激起另一个吻。啊!在谈恋爱的初期,亲吻是如此自然地诞生!吻一个接着一个,要把一个钟头之内接的吻一个一个数出来,那跟把五月间原野上的鲜花一朵一朵数出来同样困难。这时,她假装要停下来,说道:“你搂着我,叫我怎么弹呀?我可没法子同时兼顾,你倒打定主意,我是该弹那句乐句呢,还是该跟你亲热?”他生气了,她却哈哈大笑,接着是一阵急风骤雨般的亲吻。要不然的话,她忧郁地看着他,他这就又看到她那张值得进入波堤切利的《摩西传》这幅画的脸,于是把奥黛特的脖颈摆弄一下,让它保持必要的倾斜;当他按照十五世纪西斯廷小教堂的墙上那样用色粉颜料把她的肖像画好以后,想到她这会儿就在身旁,坐在钢琴边,随时准备接受亲吻和交欢,想到她是个有血有肉的人,活生生的人时,他就如痴如狂,双眼圆睁,下巴伸出象是要吃人,扑到波堤切利笔下这个少女身上,把她的面颊拧将起来。等他走出了她的家门,又回来把她吻了又吻,因为他刚才一时想不起来她身上的气味或线条的某一特征;当他登上马车,踏上归途,他为奥黛特祝福,因为她同意他每天都去,而这样的聚会,他想并不会给她带来多大的欢乐,却由于可以使他免于产生妒意(再也不会吃象那晚在维尔迪兰家没有见到她时的那种苦头了),而能帮助他不必再遭那样的危机(那第一次是如此痛苦,也该是唯一的一次),就能度过他生命中的那一连几个小时的不同寻常,简直是如痴如狂的时刻,就象他乘车在月夜穿过巴黎的街道时那样。当他在归途中看到月亮现在已经移转,几乎已经靠近地平线时,也想到他的爱情也遵照一些不变的自然规律,自问他现在正在经历的这个时期能否长时持续下去,那张可爱的脸儿的地位是否会越来越下降,越来越失去它的魅力,不久就会从他的脑际消失。自从斯万堕入情网,他感到事物是有魅力的,正如他年轻时自以为是艺术家时那样;然而这不再是同样的魅力,现在的魅力,只有奥黛特才能赋予各种事物。青年时期的灵感被后来的放荡生活驱散了,现在他觉得又在他身上重新萌发,不过这些灵感全都带有特定的生活的反映和印记;现在当他独自一人在家跟复原中的心灵共同度过漫长的时刻时,他感到一种神妙的乐趣,他又逐渐恢复成为他自己,不过是处于另外一种地位了——

喜欢wangguotong朋友的这个贴子的话, 请点这里投票,“赞”助支持!
[举报反馈]·[ wangguotong的个人频道 ]·[-->>参与评论回复]·[用户前期主贴]·[手机扫描浏览分享]·[返回学习园地首页]
帖子内容是网友自行贴上分享,如果您认为其中内容违规或者侵犯了您的权益,请与我们联系,我们核实后会第一时间删除。

所有跟帖:        ( 主贴楼主有权删除不文明回复,拉黑不受欢迎的用户 )


用户名:密码:[--注册ID--]

标 题:

粗体 斜体 下划线 居中 插入图片插入图片 插入Flash插入Flash动画


     图片上传  Youtube代码器  预览辅助

打开微信,扫一扫[Scan QR Code]
进入内容页点击屏幕右上分享按钮

楼主本栏目热帖推荐:

>>>>查看更多楼主社区动态...






[ 留园条例 ] [ 广告服务 ] [ 联系我们 ] [ 个人帐户 ] [ 版主申请 ] [ Contact us ]